J’ai énormément de mal avec LinkedIn, ou plutôt, j’ai énormément de mal avec l’utilisation qui en est/ a été faite par beaucoup de monde. Et c’est assez paradoxal parce que c’est à la fois une plateforme incontournable pour quiconque cherche du travail, notamment pour les freelances qui doivent s’y montrer et y montrer leur activité mais aussi une plateforme insupportable à plein de niveaux.
Jadis vers naguère
LinkedIn est une « vieille » plateforme, un « vieux » réseau, voire un réseau de vieux probablement pour toute une génération d’utilisateur·ices d’internet. Elle a été créé en 2002 (!!) et c’est officiellement le premier réseau social professionnel. Évidemment, LinkedIn est devenu incontournable pour la recherche d’emploi, de missions, pour la communication d’entreprise également, surtout pour tout ce qui concerne la marque employeur. Souvenez-vous, en 2002, le réseautage avait quelque chose de très élitiste et mystérieux, on s’échangeait les contacts professionnels entre deux cocktails, on chérissait encore précieusement nos répertoires papiers (#TeamVieux) et certains Rolodex (#TeamSuperVieux) pouvaient valoir une fortune s’ils étaient bien remplis !
Et puis LinkedIn est arrivé, on a pu commencer à partager nos CV de manière uniforme, entrer en relation avec d’anciens collègues, d’anciens employeurs mais aussi avec des prospects, des entreprises qui cherchaient à embaucher et le recrutement comme le développement commercial ont commencé à être chamboulés. On a commencé à réseauter en envoyant des messages directs à des gens dont on n’aurait jamais pu obtenir le numéro ou l’adresse mail, on a commencé à voir les offres d’emplois d’entreprises dont on n’imaginait même pas l’existence apparaitre dans notre fil d’actualité et la machine s’est emballée.
Once upon a time in the land of great corporatism
Quand j’ai commencé à travailler dans le monde de l’informatique décisionnelle en 2015, j’ai beaucoup utilisé LinkedIn dans le cadre de mon travail. Parmi mes attributions de Community Manager, je devais m’occuper de la page entreprise de mon employeur et LinkedIn me servait à la fois de portail de diffusion d’information et d’outil de veille concurrentielle et commerciale. Et c’est vrai que pour ça, c’est un réseau intéressant. On peut y suivre ses clients, ses prospects, ses concurrents, faire se rejoindre tout son écosystème en un seul lieu dédié au monde professionnel. Vraiment génial, comme une sorte de CRM mixé avec un réseau social.
Pourtant, j’ai commencé à voir de plus en plus de choses qui m’ont dérangé sur la plateforme. J’ai commencé à voir des gens se congratuler et s’auto-congratuler pour des accomplissements professionnels, des soutiens forcés à des employeurs parce que c’était bien vu, parce que c’était ce qu’il fallait faire. J’ai commencé à voir des posts et des articles à rallonges de « gourous » du web et du marketing, qui, cherchant à faire valoir leurs compétences et leurs savoir-faire, ont fait de la plateforme une sorte de foire à l’égo professionnel insupportable. De plus en plus de personnes ont voulu montrer leur compétitivité, leur productivité, leur « professionnalisme » de manière outrancière et moralisatrice ; qui avait la meilleure morning routine, qui s’était le plus démené pour faire le closing du trimestre jusqu’à 23h un vendredi soir, qui avait appris une leçon de vie incroyable en faisant preuve de vertu pendant une réunion… c’est devenu le concours de celui qui pisse le plus loin, la grande braderie du bullshit corporate.
Et ça, ça m’a profondément dégoûtée et insupportée.
J’avais l’impression de nager en plein délire, d’être dans le monde des Disruptive Humans of LinkedIn 24h/24 et ça ne représentait pas la réalité du monde professionnel tel que je le connaissais ni tel que je le vivais au quotidien.
C’était devenu un Facebook du monde du travail où les inepties de Tata Simone et Tonton Gérard cotoyaient les citations pseudo-inspirantes d’inlfuenceur·euses entrepreneur·euses de pacotilles.
J’étais déjà dans une période professionnelle difficile, où je m’interrogeais sur mon travail, son utilité dans le monde mais aussi, l’alignement de mes valeurs avec les activités que je menais et lorsque je me suis retrouvée noyée dans un flot incessant de personnes meilleures-winners-gagnantes, qui travaillaient toutes dans des supers entreprises-géniales-innovantes-disruptives, je suis partie.
Et puis je suis revenue..
J’ai repoussé au maximum le moment où j’ai du revenir sur LinkedIn mais à un moment, j’ai du me faire une raison et reconnaître que je ne pouvais pas ne pas y être si je voulais recommencer à travailler dans la communication et démarrer une activité en freelance.
J’ai donc créé un nouveau compte et recommencé à me faire un réseau tout doucement.
J’ai décidé de suivre plusieurs règles :
- Tri Sélectif : Ne pas suivre systématiquement toutes les personnes avec qui j’avais travaillé par principe. Je veux me construire un réseau professionnel certes, mais sans toxicité, sans « forçage », sans brosse à reluire sur les pompes de personnes avec qui j’ai un jour collaboré dans leur seul but de recevoir des recommandations de leur part.
- Minimalisme : Mettre en avant uniquement les personnes et les articles qui me paraissent vraiment intéressants et ne pas partager, commenter ou liker « pour faire plaisir », « pour montrer que j’existe », et surtout pas pour m’insérer dans le succès de quelqu’un.
- Locavore : Privilégier le local, suivre les pages et les entreprises de ma ville, de ma région pour rester informée des opportunités qui me touchent et pour lesquelles je peux avoir un vrai impact.
- Militantisme : Privilégier les succès et les initiatives de femmes et/ou de personnes issues de minorités, montrer des indépendant·es, des petites entreprises et des personnes qui proposent de vraies innovations dans leur façon de travailler, dans leurs services ou leurs produits.
- Authenticité : Faire les choses à ma façon, avant tout. Ne pas tomber dans la dérive du clout à tout prix, ne pas « penser » mes posts pour leur impact mais dire ce que j’avais à dire, quand j’avais à le dire.
Je ne sais pas si cette méthode fonctionne, ni si elle va m’apporter des clients ou des opportunités d’emploi, en tout cas, c’est une façon de faire qui me convient parce qu’elle me ressemble.